Projet au secondaire

Préoccupés par le décrochage sportif de leurs élèves, six professeurs d’éducation physique d’une école secondaire de Lévis ont décidé de s’attaquer à ce problème en puisant dans la littérature scientifique. Ils ont accouché d’un programme innovateur et ambitieux, qui vise à développer le maximum d’habiletés de leurs élèves dans une période de cinq ans, afin d’en faire des citoyens actifs pour la vie.

Depuis plusieurs années, les éducateurs physiques du Juvénat Notre-Dame du Saint-Laurent, un établissement privé, voyaient le taux de motivation de leurs élèves inscrits dans leurs programmes sportifs traditionnels, comme le basketball ou le soccer, chuter à partir du secondaire 3 ou du secondaire 4.

Dans un sport donné, on débutait avec une cohorte de 25 ou 26 jeunes en secondaire 1, et il n’en restait que 15 ou 16 en secondaire 4. D’un côté, on subissait la compétition des programmes civils qui offrent du sport toute l’année. Et de l’autre côté, nous avions aussi beaucoup d’élèves talentueux qui avaient pratiqué le même sport toute leur vie et qui abandonnaient toute activité d’un seul coup, explique le professeur d’éducation physique Sébastien Ouellet.

Ça venait nous chercher de voir ça. On a donc essayé de voir ce qu’on pouvait faire concrètement pour changer la donne.

Le constat des enseignants du Juvénat Notre-Dame va dans le même sens que de nombreuses études, qui démontrent qu’il est néfaste pour les enfants de se spécialiser dans la pratique d’un sport. La spécialisation sportive prématurée (SSP) est, entre autres, directement associée à l’abandon de la pratique du sport à l’adolescence, à des risques accrus de blessures de surentraînement ainsi qu’à l’adoption d’un mode de vie sédentaire (ou à de moins bonnes performances sportives) à l’âge adulte.

Les lecteurs de cette chronique ont souvent eu l’occasion de lire à ce sujet. Le printemps dernier, d’ailleurs, une étude fort intéressante du laboratoire de hockey de l’UQTR constatait que les jeunes hockeyeurs québécois qui pratiquent leur sport toute l’année ont une perception négative de l’entraînement et des encouragements qui leur sont donnés par leurs entraîneurs. Ils sont aussi nettement moins actifs que les jeunes hockeyeurs qui ont une pratique sportive diversifiée.

Par ailleurs, durant leur période de réflexion, les éducateurs physiques du Juvénat Notre-Dame ont retenu un vibrant plaidoyer du spécialiste canadien André Lachance, de l’organisme Le sport c’est pour la vie.

Dans nos pages, en janvier 2019, il expliquait que les Suédois avaient totalement adopté le concept de la littératie sportive, qui est une idée canadienne. Ce concept veut que pour favoriser la pratique de l’activité physique durant toute la vie d’une personne, il faut lui apprendre à maîtriser, dès l’enfance, une série d’habiletés nécessaires dans la pratique de tous les sports (courir, l’équilibre, patiner/skier, sauter, nager, rouler à vélo, lancer, attraper, botter un ballon, etc.).

Une fois maîtrisées, ces habiletés permettent à n’importe qui de s’engager avec confiance dans n’importe quel sport, d’y exceller et de rester actif physiquement beaucoup plus longtemps.

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Bref, après avoir fait leurs devoirs, les enseignants du Juvénat Notre-Dame ont créé le programme Sport 3D (qui signifie Développer et Diversifier pour Durer).

Durant notre réflexion, nous nous sommes demandé pourquoi on se restreignait à offrir trois sports spécifiques à nos jeunes. Et on a choisi de bâtir un programme de développement global qui s’échelonne sur 5 ans, explique Sébastien Ouellet, qui est aussi le coordonnateur de Sport 3D.

Le programme 3D sera structuré comme suit :

  • Secondaires 1 et 2 : les deux premières années du programme serviront à consolider toutes les bases censées avoir été apprises à l’école primaire, notamment par la pratique des différentes familles de sports (de raquette, collectifs, individuels, de balle et et ballon, etc…).
  • Secondaire 3 : les élèves perfectionneront leurs habiletés par la pratique plus encadrée de sports diversifiés. Durant cette année scolaire, les élèves pratiqueront pas moins de 18 sports différents, à raison de quatre cours pour chaque sport.
  • Secondaire 4 : les élèves choisiront six sports dans lesquels ils se concentreront davantage en fonction de leurs intérêts personnels. Ça signifie que d’une année à l’autre, les sports offerts durant nos blocs d’activités en secondaire 4 vont varier pour s’adapter aux intérêts des élèves. On souhaite ainsi maintenir leur niveau de motivation , explique Sébastien Ouellet.
  • Secondaire 5 : Poursuite d’une pratique sportive diversifiée et réalisation d’un projet intégrateur ou d’un défi sportif que l’élève souhaitera relever. Par exemple, si un de nos jeunes choisissait de participer à son premier triathlon à la fin de l’année scolaire, nous nous servirions de nos périodes pour le préparer à réaliser cet objectif, souligne le coordonnateur du projet.

À travers ces apprentissages, les élèves-athlètes effectueront aussi des sorties pour éveiller leurs sens. Cinq fois par an, ils assisteront à des épreuves sportives de haut niveau et toutes aussi diversifiées que leur programme.

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Le Juvénat Notre-Dame compte quelque 900 élèves. Une première cohorte de 60 élèves de secondaire 1 entreprendra le programme Sport 3D à l’occasion de la rentrée en 2021. Et 60 nouveaux élèves de secondaire 1 s’ajouteront ensuite chaque année au programme.

À terme, le tiers des élèves de l’école participeront au programme Sport 3D et recevront une formation sportive extrêmement complète – probablement unique – au cours de laquelle ils seront constamment sortis de leur zone de confort et mis en situation de découverte.

Le taux d’un intervenant par groupe de 11 ou 12 élèves-athlètes permettra d’offrir un suivi personnalisé et de favoriser un meilleur développement des habiletés de chacun, dit Sébastien Ouellet.

Sport 3D s’adressera autant aux élèves « touche à tout » qui ne pratiquent aucun sport organisé, qu’aux élèves qui pratiquent un sport compétitif au sein d’une association civile.

Aux jeunes qui jouent intensément au soccer ou au hockey, ou qui font partie d’un club de patinage de vitesse, par exemple, notre programme permettra de trouver un équilibre. En leur évitant d’être blasés par la pratique d’un seul sport, on évitera ainsi le décrochage, ajoute-t-il.

Une récente journée de portes ouvertes a permis de constater qu’une nouvelle clientèle s’intéresse au collège. Des hockeyeurs des associations civiles environnantes sont attirés par la perspective de découvrir de nouveaux terrains de jeux. Et des liens commencent à se tisser avec d’autre clubs sportifs civils, qui recommandent fortement à leurs jeunes athlètes de diversifier leur pratique sportive.

Les installations sportives dont dispose le Juvénat Notre-Dame permettront cette pratique diversifiée. Et au besoin, l’école utilisera les infrastructures ou les ressources environnantes (piscine municipale, centre de ski alpin, entraîneur de boxe ou d’autres sports de combat) pour compléter son offre.

Il n’y a presque pas de limite à ce que nous allons pouvoir offrir aux élèves pour tenter de les emmener plus loin. Ce sera très motivant pour eux. Et vous savez quoi? C’est très motivant pour notre groupe de professeurs aussi. Je crois que cet état d’esprit sera ressenti à la grandeur de notre école, de conclure Sébastien Ouellet.

Ce programme est extrêmement intéressant parce qu’il sera l’un des rares à appliquer concrètement les recommandations des plus grands experts de la planète matière de développement athlétique des jeunes. Il faudra absolument surveiller son évolution.

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